„Je n'ai jamais été hostile qu'à la bêtise et à la violation des droits de l'homme.”

Source et d'autres citations

Eugène Ionesco sur Kafka et « La Métamorphose »

Dans un entretien avec Claude Bonnefoy, Eugène Ionesco est interrogé sur Kafka et explique ce qui l'a impressionné dans l'œuvre « La Métamorphose ». Les lignes citées de cet entretien sont toujours d'actualité.

Les citations suivantes se trouvent dans "Eugène Ionesco - Entre la vie et le rêve - Entretiens avec Claude Bonnefoy", 1966, p. 41/42

Claude Bonnefoy: Et que vous a apporté Kafka, par exemple?

Eugène Ionesco: J'ai découvert Kafka assez tard. La première œuvre que j'ai lue, La Métamorphose, m'avait beaucoup impressionné, pourtant, je me demande si, au départ, je l'ai bien comprise. Je sentais qu'il y avait quelque chose de terrible là-dedans, quelque chose qui pouvait arriver à chacun de nous, bien que cela fût présenté sous une forme tout à fait irréaliste. Ce qui m'impressionnait là-dedans, ce que je ressentais, c'était la culpabilité, une culpabilité « sans raison » ; peut-être latente. Et c'était surtout ceci qui n'était peut-être pas tout à fait ce que Kafka voulait montrer dans sa nouvelle, que chacun peut devenir un monstre, que nous avons tous la possibilité de devenir des monstres. Le monstre peut surgir de nous. Nous pouvons avoir le visage du monstre. C'est à dire, ce qui est monstrueux en nous peut prendre le dessus ;  les foules, les peuples se déshumanisent d'ailleurs périodiquement : guerres, jacqueries, progroms, fureurs et crimes collectifs, tyrannies et oppressions. Ceux-ci ne sont qu'une partie des aspects qui me viennent à l'esprit parce qu'ils sont courants, aujourd'hui, ou dans l'histoire. Notre monstruosité a d'innombrables visages, collectifs ou non, frappants ou moins frappants, évidents ou moins évidents.

Claude Bonneyfoy: Vous dites que ce n'est peut-être pas tout à fait ce que Kafka avait voulu dire dans sa nouvelle ... En tout cas, on voit très bien comment vous avez compris Kafka, ce que vous avez trouvé chez lui. En parlant de La Métamorphose, vous nous racontez aussi Rhinocéros.

Eugène Ionesco: Évidemment. Il y a cela aussi dans Kafka, le réveil du monstre. Quand j'ai lu Kafka, je vivais dans une sorte de panique. Et maintenant encore, il me semble que n'importe qui peut devenir criminel à certains moments. On ne sait jamais ce qui peut arriver, si le monstre en nous ne vas pas se réveiller, surgir. Cela m'a plongé dans de grandes angoisses.

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